- ALLEMAGNE - République fédérale , économie
- ALLEMAGNE - République fédérale , économieLes événements de l’automne de 1989 en République démocratique allemande constituent certainement l’un des aspects les plus importants des changements récents intervenus en Europe centrale et orientale. La période, qui va de la commémoration du quarantième anniversaire de la fondation de l’État est-allemand le 7 octobre 1989 à la réalisation de la nouvelle unité de l’le 3 octobre 1990, est jalonnée de dates marquantes, qui font de l’année 1990 “l’une des plus heureuses de l’histoire allemande”, selon une expression du chancelier fédéral Helmut Kohl. Cependant, si l’unité politique est faite, il faut encore surmonter les obstacles qui se dressent “sur la voie de l’unité économique de l’Allemagne”. En donnant ce titre à son rapport annuel 1990-1991, le Conseil des experts appelle tous les agents économiques à collaborer, “en vue de remplir de vie le cadre de l’économie sociale de marché dans la partie orientale de la patrie unifiée aussi” (Jahresgutachten , 1990-1991, p. 5). Au cours des années suivantes, l’évolution économique restera différente dans les deux parties de l’Allemagne. L’économie est-allemande sort peu à peu d’une grave crise structurelle. Les conséquences de quatre décennies de division ne seront que progressivement effacées.Au lendemain de l’unification, toute recherche économique concernant l’Allemagne se heurtait à une difficulté fondamentale, qui était le manque de données économiques chiffrées concernant l’ensemble du pays. Dotées de systèmes différents de comptabilité nationale jusqu’à la réalisation de l’unité, les deux Allemagnes ont publié des informations statistiques qui, à part les données géographiques et démographiques, ne permettaient que difficilement de comparer les évolutions et les situations respectives des deux parties du pays. Mais ce handicap est désormais surmonté. Tant l’Office fédéral de la statistique (Statistisches Bundesamt) que les instituts de recherche économique publient des comptes nationaux concernant le territoire fédéral élargi, en décomposant généralement les données selon qu’elles se rapportent à l’Allemagne occidentale, à l’Allemagne orientale et à l’Allemagne entière.La réalisation de l’unité de l’Allemagne correspond à l’unification de deux pays de poids inégal en termes démographique et économique. Avec 15,6 millions de personnes en 1994, la population est-allemande représente 24 p. 100 de la population ouest-allemande (soit moins que l’équivalent de celle de la Rhénanie-du-Nord - Westphalie, Land le plus peuplé d’Allemagne occidentale avec 17,8 millions d’habitants). Pour la même année, le produit intérieur brut est-allemand représente 11,5 p. 100 du produit intérieur brut ouest-allemand (soit approximativement l’équivalent de celui du Land de Hesse, dont la part atteint 11 p. 100 mais qui, avec près de 6 millions d’habitants, ne représente que 9,1 p. 100 de la population de l’Allemagne occidentale). Après la reconnaissance solennelle et définitive de la ligne Oder-Neisse comme frontière occidentale de la Pologne, l’Allemagne unie couvre une superficie de 356 959 kilomètres carrés (soit 75,8 p. 100 du territoire du Reich allemand dans les frontières de 1937).L’Allemagne unie dispose de ressources humaines et productives importantes. Avec une population totale de près de 81,4 millions d’habitants en 1994 (dont 65,8 millions vivent en Allemagne occidentale), elle constitue l’espace national le plus peuplé d’Europe (si l’on ne tient pas compte de l’ensemble eurasiatique que forme la Russie). La densité de sa population atteint 228 habitants au kilomètre carré (265 hab./km2 à l’Ouest, 144 hab./km2 à l’Est). Cette donnée immédiate ne doit cependant pas faire oublier le déclin démographique qui affecte l’Allemagne plus que les autres pays européens et, plus généralement, que les autres pays développés. Le taux de fécondité y est tombé, à l’Est comme à l’Ouest, aux environs de 1,5 enfant, alors qu’il est de 1,7 enfant en France. Le renouvellement des générations y est donc encore moins assuré que dans le reste de l’Europe. La population proprement allemande (à l’exception des étrangers) vieillit et diminue rapidement. Seuls de gros apports migratoires peuvent freiner ce déclin. Selon des projections démographiques récentes (fondées sur les seules données du mouvement naturel de la population), l’Allemagne aurait entre 70 et 73 millions d’habitants en 2025. Le pays d’Europe le plus peuplé et économiquement le plus puissant est aussi démographiquement le plus faible. En 1994, la population de l’Allemagne comprend 8,5 p. 100 d’étrangers (10,1 p. 100 à l’Ouest, 1,7 p. 100 à l’Est); les étrangers représentent 9 p. 100 de la population active (10,8 p. 100 à l’Ouest, 2,1 p. 100 à l’Est).La population active de l’Allemagne atteint 40,2 millions de personnes en 1994 (32,1 millions à l’Ouest, 8,1 millions à l’Est). La part des femmes y est de 42,7 p. 100 (41,5 p. 100 à l’Ouest, 47,7 p. 100 à l’Est). Le taux d’activité est de 49,4 p. 100 (48,8 p. 100 à l’Ouest, 52,3 p. 100 à l’Est); pour les hommes, il est de 58,3 p. 100 (58,7 p. 100 à l’Ouest, 56,6 p. 100 à l’Est); en ce qui concerne les femmes, il atteint 41,1 p. 100 (39,4 p. 100 à l’Ouest, 48,3 p. 100 à l’Est). Cette évaluation quantitative doit évidemment être complétée par une appréciation qualitative. Ancrée dans une tradition industrielle solide, la population allemande bénéficie d’un niveau scientifique et culturel élevé, ainsi que d’une formation professionnelle de qualité.En 1994, le produit intérieur brut aux prix du marché (aux prix et taux de change courants) de l’Allemagne atteint 2 041,5 milliards de dollars (France: 1 318,9 milliards de dollars). Il représente alors 9,3 p. 100 de celui de l’ensemble des pays membres de l’O.C.D.E. (France: 6,8 p. 100), 27,5 p. 100 de celui de l’Union européenne (France: 20,1 p. 100), 27,4 p. 100 de celui des États-Unis d’Amérique (France: 20 p. 100) et 40,8 p. 100 de celui du Japon (France: 29,9 p. 100). Il dépasse de 54,8 p. 100 celui de la France, de 100,1 p. 100 celui de l’Italie, de 101,4 p. 100 celui du Royaume-Uni et de 325 p. 100 celui de l’Espagne. En 1993, le produit intérieur brut par habitant (aux prix et taux de change courants) de l’Allemagne atteint 23 537 dollars. Il est inférieur à celui du Japon (33 802 dollars) et à celui des États-Unis (24 302 dollars). Il est supérieur à celui de la France (21 706 dollars), à celui de l’Italie (17 371 dollars), à celui du Royaume-Uni (16 279 dollars) et à celui de l’Espagne (12 227 dollars). Ces quelques données (reprises de L’O.C.D.E. en chiffres , édition 1995, ou calculées d’après ce document) témoignent de la puissance de l’économie de la république fédérale d’Allemagne et du niveau de vie élevé de sa population (du moins de la partie de celle-ci vivant en Allemagne occidentale).La puissance économique de l’Allemagne repose sur la vigueur de son industrie. Au milieu des années 1990, la situation de celle-ci est très favorable. Depuis la seconde moitié des années 1980, les entreprises ouest-allemandes ont fortement modernisé leurs installations et amélioré leur rendement. L’amélioration de leur dotation en capital propre a sensiblement accru leur capacité d’investir dans des équipements, des procédés et des produits nouveaux, et d’assumer les risques qui y sont liés. À l’Est, la reconstruction industrielle est en bonne voie. L’appareil industriel allemand est le plus puissant d’Europe. Il est irrigué par un système bancaire efficace. Il est soutenu par l’action des pouvoirs publics.Un demi-siècle après le crépuscule du IIIe Reich et l’évanouissement de ses fantasmes autarciques, l’économie allemande est remarquablement intégrée à l’économie mondiale, et tout particulièrement à celle des pays industriels développés de l’O.C.D.E. et à celle de l’Union européenne. Sa croissance économique, son ouverture au reste du monde et le dynamisme de ses exportateurs en font un géant commercial. Tant pour les exportations que pour les importations, l’Allemagne occupe la deuxième place dans l’économie mondiale, après les États-Unis et avant le Japon. Les excédents de sa balance commerciale ont certes diminué depuis la réalisation de l’unité; ils n’en restent pas moins considérables. En 1993, l’excédent de la balance commerciale allemande (les exportations étant évaluées aux prix fab et les importations aux prix caf) atteint 36,9 milliards de dollars. Au cours de la même année, l’excédent commercial du Japon égale 120,6 milliards de dollars et celui de la France 5,5 milliards de dollars, tandis que le déficit commercial des États-Unis atteint 155,3 milliards de dollars. Le succès de la reconstruction économique à l’Est devrait renforcer encore la position de l’Allemagne dans l’économie mondiale.1. Le système économiqueC’est Alfred Müller-Armack, collaborateur de Ludwig Erhard au ministère fédéral de l’Économie, qui a proposé d’appeler économie sociale de marché (Soziale Marktwirtschaft) le système économique libéral, qui, après avoir été celui de l’Allemagne occidentale, est désormais celui de l’Allemagne unie. La nature du système économique détermine évidemment tant l’organisation économique que la politique économique.L’économie sociale de marchéL’économie sociale de marché s’appuie sur les principes de l’ordo-libéralisme et sur ceux du christianisme social. Ce dernier a notamment joué un rôle considérable dans la définition de la cogestion (Mitbestimmung ) dans les entreprises, ainsi que dans l’élaboration de la politique sociale à l’intérieur et de la politique d’aide au développement en faveur des pays du Tiers Monde. L’ordo-libéralisme est l’“idéologie” du “modèle allemand”. C’est par rapport à ses principes que se déterminent les orientations fondamentales de la politique économique.L’ordo-libéralisme constitue l’un des rameaux du néo-libéralisme qui se développe, après la Première Guerre mondiale, dans la plupart des pays occidentaux. Ses principaux théoriciens sont Walter Eucken, Franz Böhm et leurs collègues de l’École de Fribourg-en-Brisgau, ainsi que Wilhelm Röpke et Alexander Rüstow. Le mot “ordo” symbolise leur démarche. Il a une double signification. Il exprime d’abord une prise de position philosophique, qui implique le rejet tout à la fois du matérialisme hédoniste des libéraux classiques et du matérialisme évolutionniste des théoriciens marxistes. Idéaliste au sens philosophique du terme et volontariste à cause de sa foi dans l’homme comme moteur de l’histoire, l’ordo-libéralisme estime possible et nécessaire d’organiser l’économie en fonction d’un modèle consciemment choisi et scientifiquement défini. Le mot “ordo” exprime ensuite un projet de société. Le système économique doit satisfaire à deux conditions: être digne de l’homme, c’est-à-dire conforme à ses exigences morales de liberté, d’égalité et de stabilité; être efficace dans la satisfaction de ses besoins matériels. Pour les ordo-libéraux, seul le régime de concurrence répond à cette double exigence. Mais il ne se réalise pas de lui-même. Il ne se développe qu’à l’intérieur d’un cadre forgé et maintenu par l’État, au sein d’un ordre construit par la loi.La pierre angulaire de cet ordre est la constitution économique (Wirtschaftsverfassung ), incluse dans la constitution politique et affirmant que la réalisation de la concurrence est le critère essentiel de toute mesure de politique économique. Après son approbation par le peuple dans le cadre de l’adoption de la constitution politique, la constitution économique est complétée par les principes constituants (die konstituierenden Prinzipien ) élaborés par les spécialistes de l’économie et non plus par le peuple. Ces principes sont les suivants: l’existence d’une monnaie stable; le libre accès au marché; la propriété privée, conçue moins comme un droit que comme une exigence du système; la liberté des contrats et son corollaire, la pleine responsabilité civile et commerciale des entreprises; la stabilité de la politique économique, nécessaire au développement des investissements et à la prévision économique. On note que la stabilité monétaire constitue le premier des principes constituants.Il ne suffit pas d’intégrer la constitution économique à la constitution politique pour que le réel se confonde avec l’idéal. L’objet de la politique économique est de rapprocher le premier du second, par des interventions conformes à la logique de l’économie de marché (Marktkonform ). Les ordo-libéraux définissent, avec précision, les conditions de l’action des pouvoirs publics en établissant une distinction entre le cadre et le processus. Le cadre est tout ce qui entoure la vie économique, comme la démographie, l’enseignement, le droit, l’environnement, etc. Dans ces domaines, l’État peut et doit intervenir très largement. Son action sera qualifiée d’ordonnatrice (Ordnungspolitik ). Le processus est l’activité économique elle-même. Le marché y détermine la formation des prix. Faussant les conditions de la concurrence, les interventions de l’État dans le processus sont particulièrement dangereuses. Restant donc nécessairement limitées, elles se bornent à éliminer les obstacles qui s’opposent au fonctionnement normal du marché. À l’égard du processus, la politique économique ne sera que régulatrice (Prozesspolitik ).L’économie sociale de marché se propose de réaliser la synthèse entre la liberté économique et la justice sociale. Au nom de la liberté économique, l’État doit mettre en œuvre une politique de concurrence. Au nom de la justice sociale, il doit lutter contre les inégalités engendrées par le système économique et mener une politique sociale. L’économie sociale de marché veut permettre aux individus la poursuite de leurs intérêts respectifs dans le cadre de la coordination par le marché et dans les limites fixées par la loi. Elle comprend des éléments constituants (konstituierende Elemente ), formés par l’État de droit avec l’organisation de la propriété et de la concurrence, et des éléments complémentaires (ergänzende Elemente ), qui sont la politique sociale et la politique de stabilisation macroéconomique.L’économie sociale de marché constitue le projet de société proposé au peuple ouest-allemand par le gouvernement de Konrad Adenauer après la fondation de la république fédérale d’Allemagne. Avec les succès économiques des années 1950, elle obtient l’adhésion des principales forces politiques et sociales, ainsi que celle des couches les plus larges de la population. En 1959, le parti social-démocrate adopte le programme de Bad Godesberg (Grundsatzprogramm der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands). Celui-ci affirme que la libre concurrence et la libre initiative de l’entrepreneur sont des éléments importants de la politique économique social-démocrate. Il insiste aussi sur le rôle des pouvoirs publics. Il consacre le ralliement de la social-démocratie allemande à l’économie sociale de marché.Les difficultés économiques croissantes des années 1960 et 1970 provoquent une augmentation des critiques qui sont adressées à l’économie sociale de marché. Le succès des Verts correspond à l’institutionnalisation d’un discours fondamentalement contestataire. Il constitue l’un des éléments les plus importants du paysage politique allemand. Devenue largement l’affaire de tous, l’écologie a modifié la vision qu’ont les Allemands de la croissance économique. L’insistance sur la protection de l’environnement (Umweltschutz ) n’a pas seulement permis aux Verts de s’intégrer à la politique allemande. Elle a aussi obligé les autres partis politiques à donner une place importante à ce thème dans leurs programmes respectifs et le gouvernement fédéral à renforcer les mesures de protection de l’environnement. La plus grande partie de la population ouest-allemande continue évidemment à se reconnaître dans le système d’économie sociale de marché, qui a fait la preuve de son efficacité. Comme l’ont montré les élections législatives du 18 mars 1990 en ex-R.D.A., la grande majorité des Allemands de l’Est souhaitent que ce système soit aussi le leur.L’organisation économiqueExcluant toute organisation économique totalement individualiste ou intégralement collectiviste, la Loi fondamentale (Grundgesetz, qui est la constitution de la république fédérale d’Allemagne) reconnaît un ensemble de droits économiques et sociaux, dont l’exercice nécessite une organisation économique ayant les traits de l’économie sociale de marché. Les organes de la politique économique et sociale, responsables de l’élaboration, de l’exécution et du contrôle de cette politique, se décomposent en organes d’État, organes semi-étatiques et organes auxiliaires. Les organes étatiques (staatliche Organe ) sont les gouvernements et les administrations publiques de l’État fédéral (Bund ) et des Länder. Les organes semi-étatiques (halbstaatliche Organe ) sont les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et les chambres d’agriculture. Les organes auxiliaires (Hilfsorgane ) sont les associations, les comités consultatifs et les établissements fédéraux spécialisés. Au niveau fédéral, le gouvernement, responsable devant le Parlement, élabore et met en œuvre la politique économique et sociale générale, notamment la politique financière. Dotée d’une large autonomie, la Banque fédérale allemande (Deutsche Bundesbank) est responsable de la politique monétaire. Disposant de moyens financiers importants, les Länder mettent en œuvre des politiques de développement régional. Les débats de politique économique et sociale se fondent sur les travaux de divers comités consultatifs et sur ceux des instituts de recherche économique. Depuis 1963, un Conseil des experts (Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung) est chargé de l’analyse de l’évolution économique globale. Ses rapports annuels et extraordinaires sont destinés à l’information des responsables économiques et de l’opinion publique. Depuis le début des années 1980, les cinq grands instituts ouest-allemands de recherche économique (Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung de Berlin, H.W.W.A.-Institut für Wirtschaftsforschung de Hambourg, Ifo-Institut für Wirtschaftsforschung de Munich, Institut für Weltwirtschaft an der Universität Kiel, Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung de Essen) ont été chargés de l’élaboration régulière de rapports sur l’évolution structurelle (Strukturberichte ).Les agents économiques sont le plus souvent groupés en associations, dont la puissance et la cohésion se fondent sur des facteurs économiques, techniques et sociologiques. Ils exercent leurs activités dans les cadres définis par des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles. Avec l’unification, l’organisation économique de l’Allemagne orientale s’adapte progressivement à celle de l’Allemagne occidentale.Trois ensembles d’organisations différentes regroupent les entrepreneurs, en se répartissant les compétences et en se partageant les centres d’intérêt. La Fédération de l’industrie allemande (Bundesverband der deutschen Industrie, ou B.D.I.) représente les intérêts de politique économique des patrons au niveau national. L’Union fédérale des associations allemandes d’employeurs (Bundesvereinigung der deutschen Arbeitgeberverbände, ou B.D.A.) réunit les chefs d’entreprise de tous les secteurs en tant qu’employeurs. Interlocutrice des syndicats, elle se concentre sur les problèmes de politique sociale se posant au niveau fédéral. Les deux organisations regroupent les associations sectorielles et régionales. La Fédération allemande des chambres de commerce et d’industrie (Deutscher Industrie- und Handelstag) regroupe environ soixante-dix chambres régionales, qui s’occupent surtout de problèmes de développement local et de formation professionnelle. Le syndicalisme allemand est indépendant des partis politiques, même si certains syndicalistes sont aussi des élus nationaux ou locaux. Avec près de 10 millions de membres, la Confédération des syndicats allemands (Deutscher Gewerkschaftsbund, ou D.G.B.) constitue le syndicat de salariés de loin le plus puissant.La réglementation juridique de la vie économique et sociale est extrêmement complexe. Ses aspects les plus originaux sont certainement la législation de défense de la concurrence et l’organisation de la cogestion.Saluée comme “la loi fondamentale de l’économie sociale de marché”, la loi relative aux restrictions à la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen) du 27 juillet 1957 constitue la charte protectrice de la libre concurrence. Amendée plusieurs fois depuis sa promulgation, elle contient le droit des restrictions horizontales à la concurrence (droit des cartels), celui des restrictions verticales à la concurrence (interdiction des prix imposés par les fournisseurs à leurs détaillants) et celui des entreprises et konzerns dominant le marché (sanction des abus de position dominante, contrôle des fusions). Sa mise en œuvre est surveillée par l’Office fédéral des cartels (Bundeskartellamt). Par ailleurs, la Commission des monopoles (Monopolkommission) est chargée d’élaborer des rapports réguliers sur l’évolution de la concentration des entreprises et de conseiller le gouvernement fédéral dans le domaine de la politique de concurrence.En fait, l’application de la loi relative aux restrictions à la concurrence n’a pas éliminé les ententes, mais elle a permis d’éviter des abus. La croissance économique s’accompagne le plus souvent de processus de concentration des entreprises et du patrimoine. La construction aéronautique, les mines, le traitement des huiles minérales, la construction de véhicules routiers, la sidérurgie, l’industrie des métaux non ferreux, l’industrie électrotechnique et la chimie font partie des branches industrielles ayant le degré de concentration le plus élevé. Mais, outre les grands groupes symboles de sa puissance, l’économie allemande comprend aussi de nombreuses entreprises petites et moyennes, qui se caractérisent par leur dynamisme et leur grande capacité d’adaptation.Résultat d’une longue évolution historique et fruit d’une série de compromis, la législation organisant la participation des salariés à la gestion des entreprises s’élabore en plusieurs étapes. La loi concernant la cogestion dans les industries du charbon, du fer et de l’acier (Gesetz über die Mitbestimmung der Arbeitnehmer in den Aufsichtsräten und Vorständen der Unternehmen des Bergbaus und der Eisen und Stahl erzeugenden Industrie) du 21 mai 1951 prévoit, dans les sociétés de capitaux employant plus de mille salariés dans ces industries, une occupation paritaire des conseils d’administration et la nomination d’un directeur social (Arbeitsdirektor ), qui est l’homme de confiance des salariés dans le comité directeur. La loi portant statut de l’entreprise (Betriebsverfassungsgesetz) du 15 janvier 1972 s’applique à toutes les entreprises privées employant au moins cinq salariés âgés de plus de dix-huit ans. Elle définit les fonctions du comité d’entreprise, élargit les droits individuels des salariés, renforce la position des syndicats et garantit la représentation des jeunes. La loi organisant la participation des salariés (Gesetz über die Mitbestimmung der Arbeitnehmer) du 4 mai 1976 concerne les sociétés employant plus de deux mille personnes. Elle y prévoit une occupation paritaire des conseils d’administration. Les représentants des salariés comprennent les délégués des cadres supérieurs. En cas d’égalité des voix, la voix du président du conseil d’administration (fonction que la loi réserve de fait à un représentant du capital) compte deux fois et emporte la décision. Membre du comité directeur (lui-même élu à la majorité des deux tiers), le directeur social peut être désigné à la majorité simple, éventuellement contre la volonté des représentants des salariés au conseil d’administration. Conformément à une disposition de la loi portant statut de l’entreprise du 11 octobre 1952 (confirmée par celle de 1972), les représentants des salariés occupent le tiers des sièges dans les conseils d’administration des sociétés employant plus de cinq cents personnes et non concernées par les lois de 1951 et de 1976. La loi de 1951 s’applique toujours dans les industries du charbon, du fer et de l’acier.La politique économiqueOn peut distinguer trois périodes en ce qui concerne la politique économique ouest-allemande: la période ordo-libérale, allant de la réforme monétaire de 1948 à la crise économique de 1966-1967, au cours de laquelle l’accent est mis sur la nécessaire conformité de la politique économique à la logique de l’économie de marché et pendant laquelle Erhard est le principal responsable de la politique économique soit comme ministre fédéral de l’Économie dans le gouvernement dirigé par Adenauer (1949-1963), soit comme chancelier fédéral (1963-1966); la période keynésienne, allant de l’arrivée de Karl Schiller au ministère fédéral de l’Économie jusqu’au début des années 1980, au cours de laquelle une place plus importante parmi les instruments de la politique économique est donnée à la politique financière et pendant laquelle l’Allemagne occidentale est dirigée par le gouvernement de grande coalition de Kurt Georg Kiesinger (1966-1969) et les gouvernements de coalition sociaux-démocrates-libéraux conduits par Willy Brandt (1969-1974) et Helmut Schmidt (1974-1982); la période de retour aux principes de l’ordo-libéralisme et à la politique économique d’Erhard, qui commence avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement de coalition chrétien-démocrate-libéral conduit par Helmut Kohl en 1982.Après la réforme monétaire du 20 juin 1948, la loi du 24 juin 1948 (Gesetz über Leitsätze für die Bewirtschaftung und Preispolitik nach der Geldreform) organise la suppression progressive de l’économie dirigée et la mise en œuvre du cours néo-libéral. Les instruments essentiels de la politique économique sont ceux de la politique de concurrence (avec le vote de la loi relative aux restrictions à la concurrence en 1957 et son application) et ceux de la politique monétaire (avec la création de la Deutsche Bundesbank en 1957 et la priorité donnée à la stabilité de la monnaie). Ils continuent évidemment à faire partie de la panoplie de la politique économique ouest-allemande au cours des périodes suivantes. En 1966, les instruments traditionnels de la politique monétaire apparaissent insuffisants dans la lutte contre la récession, qui entraîne une croissance presque nulle en 1967. Sous l’impulsion de Schiller est votée la loi de promotion de la stabilité et de la croissance économiques (Gesetz zur Förderung der Stabilität und des Wachstums der Wirtschaft, que les Allemands appellent aussi tout simplement le Stabilitätsgesetz) du 8 juin 1967, qui constitue depuis lors la charte de la politique conjoncturelle. Cette loi affirme que l’État fédéral et les Länder doivent tenir compte des exigences de l’équilibre économique général dans l’élaboration de leurs mesures de politique économique et notamment de politique financière. Elle institue en particulier une planification financière quinquennale (mittelfristige Finanzplanung ). En 1968 sont formulés les “principes de politique structurelle régionale et sectorielle” (Grundsätze der regionalen und sektoralen Strukturpolitik ), qui servent de ligne directrice pour l’élaboration de toutes les mesures d’orientation sectorielles et régionales. Pour la coalition chrétienne-démocrate-libérale arrivée au pouvoir en 1982, la formation du gouvernement Kohl constitue un “tournant” marquant, après treize ans de gestion social-démocrate-libérale, le retour à une économie de marché en “renouvellement”, avec plus de marché et moins d’État.La politique économique régionale est, en premier lieu, la mission des Länder, même si le gouvernement fédéral est appelé également à assumer ses responsabilités et à témoigner sa solidarité en ce qui concerne l’aménagement du territoire. La structure des objectifs et des instruments de politique économique de chaque Land constitue d’ailleurs un indicateur essentiel des problèmes économiques, auxquels il doit faire face, et des choix faits par son gouvernement pour les résoudre. Créée en 1969, la mission commune “Amélioration de la structure économique régionale” (Gemeinschaftsaufgabe “Verbesserung der regionalen Wirtschaftsstruktur”) vise à définir un cadre pour une approche coordonnée de la politique de développement régional. Son financement est assuré moitié par l’État fédéral et moitié par les Länder.Les entreprises peuvent compter sur un grand nombre d’aides au financement et au conseil, fournies par les administrations publiques. Il s’agit essentiellement des programmes d’aides, de primes, de prêts et de cautionnements de l’État fédéral (y compris les programmes du fonds Marshall, E.R.P.-Programme) et des Länder, des programmes de financement de l’Établissement de crédit pour la reconstruction (Kreditanstalt für Wiederaufbau, ou KfW), de la Banque allemande de péréquation (Deutsche Ausgleichsbank jusqu’à récemment: Fonds de péréquation des charges, Lastenausgleichsfonds), de l’Agence fédérale pour l’emploi (Bundesanstalt für Arbeit), de la Banque européenne d’investissement et de l’Union européenne.La politique économique de l’unité allemande ne commence pas seulement avec la réalisation de cette unité en 1990. Après la division de l’Allemagne et surtout à partir des années 1970, les gouvernements de la république fédérale d’Allemagne s’efforcent de maintenir et de développer les relations économiques avec la partie orientale du pays (Innerdeutsche Wirtschaftsbeziehungen ). Ces relations économiques se composent du commerce interallemand (Innerdeutscher Handel , ou I.D.H., commerce à statut particulier) et des transferts financiers. Après l’ouverture de la frontière interallemande et la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989 commence la marche rapide vers l’unification. Signé le 18 mai 1990 à Bonn, le traité d’État créant une union monétaire, économique et sociale entre les deux États allemands (Staatsvertrag über die Währungs-, Wirtschafts- und Sozialunion) entre en vigueur le 1er juillet 1990. Conclu le 31 août 1990 à Berlin-Est, le traité concernant le rétablissement de l’unité de l’Allemagne (Vertrag über die Herstellung der Einheit Deutschlands-Einigungsvertrag) ouvre la voie à l’unité allemande, réalisée le 3 octobre 1990.2. Le développement économiqueLe développement économique se traduit par la croissance de la production et par des transformations de la structure économique (notamment de la structure sectorielle).La croissance économiqueSi l’on définit le miracle comme une chose extraordinaire, inexplicable et dont la cause échappe à la raison de l’homme, ce terme ne s’applique guère à l’évolution de l’économie ouest-allemande au cours de la période de reconstruction. En effet, cette évolution, qualifiée de “miracle économique” (das deutsche Wirtschaftswunder ), est tout à fait compréhensible. La forte croissance économique des années 1950 s’explique par une remarquable conjonction de facteurs favorables.Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne paraît être un immense champ de ruines. De nombreuses villes sont détruites. Les voies de communication sont largement démolies. Un quart du territoire national est perdu. L’activité économique est paralysée. Le chômage, l’inflation, le marché noir et le troc s’étendent sur un pays totalement désorganisé et dont la situation financière est dramatique. La guerre froide entraîne la division de l’Allemagne. Et pourtant, dans ce chaos apparent, l’Allemagne occidentale conserve de solides atouts: potentiel économique et notamment industriel considérable, population active importante grâce à l’arrivée de plus de 13 millions d’expulsés et de réfugiés, mobilisation de la population pour assurer la réussite de la reconstruction économique. Elle effectue des choix judicieux de politique économique: réforme monétaire de 1948 avantageant les éléments actifs de la population, sous-évaluation de la monnaie ouest-allemande par rapport aux autres principales monnaies, ouverture sur le reste du monde et adhésion au libéralisme économique. Elle bénéficie d’un environnement international favorable: aides importantes des Alliés occidentaux atteignant 4,4 milliards de dollars (dont 1,5 milliard de dollars dans le cadre du plan Marshall), démarrage de la production à partir de la guerre de Corée.Malgré des pauses et des tensions, l’Allemagne occidentale connaît, depuis le début des années 1950, un développement économique considéré comme exemplaire. Le “modèle allemand” est successivement à l’épreuve de la reconstruction à la fin des années 1940 et au cours des années 1950, à celle de la croissance ralentie et de la restructuration des années 1960 aux années 1980, et à celle de l’unité économique à partir des années 1990.Au lendemain de la réforme monétaire de 1948, l’Allemagne occidentale doit vaincre trois périls: l’inflation, le chômage et le déficit extérieur. Grâce à l’évolution de l’économie mondiale et à la politique économique nationale, elle repousse progressivement ces dangers et connaît, à partir de 1953, un remarquable essor économique, caractérisé par une croissance accélérée de la production, la réalisation du plein emploi, la stabilité des prix et l’accumulation des réserves de moyens de paiement internationaux. L’augmentation de la production est rapide et régulière; elle est inégale selon les secteurs, et particulièrement forte dans l’industrie. Les industries motrices (chimie, construction automobile, électronique, pétrole, plastique) se développent rapidement, tandis que les industries traditionnelles (charbon, textile) ne cessent de régresser. L’essor de la production est obtenu grâce à un taux élevé d’investissement (rendu possible par une augmentation de l’épargne), un fort accroissement de l’emploi et des gains de productivité élevés. Malgré l’afflux des réfugiés, l’économie atteint le plein emploi dès le milieu des années 1950. Les prix bougent peu. Les hausses des salaires sont sensibles; mais elles sont facilement absorbées par les progrès de la productivité. La Banque centrale poursuit une politique monétaire prudente et resserre le crédit à la moindre alerte. À partir de 1951, la situation des échanges extérieurs se modifie fondamentalement; les exportations augmentent régulièrement; les excédents s’accumulent. À la fin des années 1950, la république fédérale d’Allemagne dispose du deuxième stock d’or parmi les pays occidentaux. Le rétablissement des équilibres interne et externe permet d’instituer la convertibilité du deutsche Mark.Avec les années 1950 prend fin le “miracle” de la reconstruction. Devenue membre de la Communauté européenne, l’Allemagne occidentale commence une nouvelle période de son histoire économique. Jusqu’à la crise économique du milieu des années 1970, elle accumule les performances: croissance économique moins forte que dans les années 1950 mais néanmoins globalement soutenue, maîtrise de l’inflation, niveau d’emploi élevé, maintien de l’excédent des échanges extérieurs. De telles réussites en font un “modèle” pour les autres pays, et les économistes analysent le cercle vertueux de son développement. La république fédérale d’Allemagne conquiert des parts de marchés extérieurs importantes. La force de son commerce extérieur vient de sa spécialisation particulièrement adaptée aux besoins du marché international, de la qualité de ses équipements, du dynamisme de ses services commerciaux, des mérites de son service après-vente et de la ponctualité de ses livraisons. Tous ces atouts font que la demande est à la fois forte et peu sensible aux prix. Ils sont conservés grâce aux efforts des agents économiques pour accroître la productivité et modérer les coûts et les prix. À partir de 1961, le deutsche Mark est réévalué à plusieurs reprises. La réévaluation facilite la modération de la hausse des prix, favorisée par ailleurs par la politique économique, la prudence salariale et le consensus social. Elle ne compromet pas les excédents de la balance commerciale, à cause de la bonne spécialisation industrielle. Le deutsche Mark est recherché et s’apprécie. Une nouvelle réévaluation s’impose. C’est le cercle vertueux de l’économie ouest-allemande, qui connaît néanmoins des pauses et des tensions: ralentissement de la croissance et récession importante en 1967, suremploi, revendications sociales et relâchement de la traditionnelle discipline du travail, menace d’inflation importée.Au cours de la période 1950-1975, la croissance économique annuelle moyenne réelle de la république fédérale d’Allemagne est de 5,5 p. 100. Elle est donc exceptionnellement élevée. Pendant la période 1850-1913 par exemple, elle n’atteint qu’environ 2,6 p. 100. Depuis la crise économique du milieu des années 1970, elle retrouve des taux nettement moins élevés que ceux de la “belle époque” de la croissance économique (tabl. 1).Au début des années 1980, les manifestations extérieures de la réussite économique ouest-allemande s’estompent. La république fédérale d’Allemagne supporte moins bien le second choc pétrolier que le premier. Le chômage augmente fortement et demeure, depuis lors, le problème économique et social le plus important. À partir de 1990, il est encore aggravé par les conséquences de la restructuration de l’économie est-allemande (tabl. 2).Après avoir surmonté la sévère récession de 1992-1993, l’économie ouest-allemande se trouve de nouveau sur la voie de la reprise depuis le printemps de 1994. Selon le rapport de l’automne de 1995 des grands instituts de recherche économique, la croissance économique réelle de la République fédérale pourrait être de 2,25 p. 100 en 1995 (2 p. 100 à l’Ouest, 6,5 p. 100 à l’Est) et de 2,5 p. 100 en 1996.Selon le même rapport, le nombre des chômeurs est de 3,6 millions (soit un taux de chômage de 9,4 p. 100) en 1995 (2,56 millions à l’Ouest, soit un taux de chômage de 8,2 p. 100; 1,04 million à l’Est, soit un taux de chômage de 13,9 p. 100); il pourrait être de 3,55 millions (soit un taux de chômage de 9,2 p. 100) en 1996. À court terme au moins, la reprise économique à l’Ouest et les progrès de la reconstruction économique à l’Est n’auront que des effets limités sur l’emploi.Le produit intérieur brut en prix courants augmente nettement plus rapidement que celui en prix constants (tabl. 1). En effet, la croissance économique s’accompagne de hausses des prix tant du produit intérieur (ou national) brut que des biens de consommation. Le revenu réel des salariés (net d’impôts et de cotisations sociales) ayant baissé pendant plusieurs années consécutives, leurs syndicats ont mis, entre le milieu des années 1980 et la récession de 1992-1993, davantage l’accent sur les augmentations de salaires que sur la question controversée de la réduction du temps de travail. Étant donné les bénéfices exceptionnels réalisés grâce à la baisse des prix à l’importation, les employeurs ne se sont en général guère opposés à ces demandes (tabl. 3). L’aggravation du chômage depuis 1992 a remis à l’ordre du jour le problème de la diminution du temps de travail.Après le second choc pétrolier et comme les autres pays industrialisés de l’Occident, la république fédérale d’Allemagne connaît une réduction des taux d’inflation. Selon le rapport déjà cité, la hausse des prix de la consommation privée pourrait être de 2 p. 100 en 1995 et en 1996 (à l’Ouest comme à l’Est).Après des années difficiles au lendemain de l’unification, l’Allemagne orientale poursuit, depuis 1993, sa reconstruction économique dans de bonnes conditions. La nécessaire privatisation de son économie a constitué, entre 1990 et 1994, la mission de l’Agence fiduciaire (Treuhandanstalt). La république fédérale d’Allemagne a mis en œuvre un programme important de soutien de la reconstruction économique de sa partie orientale, notamment dans le cadre du Fonds pour l’unité allemande (Fonds Deutsche Einheit) et de la mission commune “Expansion-Est” (Gemeinschaftswerk “Aufschwung-Ost”). Tels qu’ils sont délimités par les grands instituts de recherche économique dans leur rapport de l’automne de 1995, les transferts financiers publics atteignent 180 milliards de deutsche Mark en 1994 et 194 milliards en 1995. Ils représentent largement la moitié du produit intérieur brut est-allemand.La structure sectorielleL’analyse de la structure d’une économie nationale exige l’étude de tous les éléments du circuit économique. On se limitera ici à une présentation sommaire de la structure sectorielle de l’économie ouest-allemande.La croissance économique s’accompagne de transformations sectorielles. Mais, alors qu’au cours du troisième quart du XXe siècle ces transformations se réalisaient dans l’euphorie d’une forte croissance, elles s’opèrent, depuis la crise du milieu des années 1970, dans le cadre d’une croissance ralentie.L’évolution des contributions des secteurs au produit intérieur brut et celle de leurs parts dans l’emploi total constituent des indicateurs de l’évolution générale des secteurs (tabl. 4 et 5).Si l’on considère l’évolution des parts respectives des secteurs dans l’emploi total (tabl. 5), on constate que l’économie ouest-allemande tend effectivement vers le modèle normal de développement sectoriel fondé sur la tertiarisation. La part des services passe de 38,4 p. 100 en 1960 à 51,4 p. 100 en 1980 et à 60,8 p. 100 en 1994. Si l’on regarde les contributions des secteurs au produit intérieur brut réel (tabl. 4), la tendance vers ce modèle apparaît tout aussi forte. La part des services passe de 40,9 p. 100 en 1960 à 53,7 p. 100 en 1980 et à 63,3 p. 100 en 1993. Avec les progrès de la reconstruction, l’économie est-allemande connaîtra la même évolution sectorielle.Face à la puissance industrielle, l’agriculture ouest-allemande paraît un élément marginal de l’économie. Il n’en est rien. Troisième pays agricole d’Europe après la France et l’Italie mais avant l’Espagne, la république fédérale d’Allemagne accorde à sa paysannerie une aide particulière. Caractérisée par la prédominance des petites et moyennes exploitations, l’agriculture ouest-allemande assure plus de 70 p. 100 du ravitaillement de la population.Avec 35,6 p. 100 de la valeur ajoutée brute, 36,3 p. 100 de l’emploi total et une production très diversifiée, l’industrie est la clé de voûte de l’édifice économique ouest-allemand. Elle se caractérise par une structure de la production systématiquement organisée et par la reconstitution du grand capitalisme qui domine toute l’évolution du système manufacturier et bancaire. Pour comprendre les succès de l’économie ouest-allemande, il faut insister sur au moins trois caractéristiques du système: le poids de l’expérience industrielle, des comportements conquérants, la nature très particulière des relations entre les banques et les autres agents économiques.Les industries ouest-allemandes se concentrent en six points du territoire: la Rhénanie-du-Nord-Westphalie avec la Ruhr, centre traditionnel de la puissance industrielle allemande, durement frappée par la crise économique; le Bade-Wurtemberg avec Stuttgart et la région du moyen Neckar, devenu la première région ouest-allemande par le taux d’industrialisation et la deuxième par les produits exportés; la plaine du Rhin moyen aux confluents du Main et du Neckar, autour de Francfort et de Mannheim; la Basse-Saxe méridionale avec Hanovre; la Bavière avec principalement la région de Munich; la Sarre. S’y ajoutent d’autres pôles importants comme les villes hanséatiques de Hambourg et de Brême.En Allemagne occidentale, les branches productrices de biens d’investissement représentent 45,9 p. 100 du chiffre d’affaires de l’industrie en 1994 (tabl. 6).Depuis le début des années 1980, les branches productrices de biens d’investissement connaissent des évolutions diverses. La construction mécanique, l’industrie électrotechnique, la construction de machines de bureau et d’appareils de traitement de données croissent relativement plus rapidement que la construction de véhicules routiers et les industries aéronautique et spatiale.La recherche industrielle est l’une des clés de la réussite économique de l’Allemagne occidentale, qui est l’une des toutes premières puissances scientifiques et techniques mondiales. Les entreprises sont les principales bénéficiaires de cet effort, qui est constitué à plus de 75 p. 100 de recherche et développement industriels directement utilisables par elles.Les transformations sectorielles sont évidemment largement influencées par les relations économiques extérieures et la longue marche vers une nouvelle division internationale du travail.3. Les relations économiques extérieuresLes structures des diverses balances des relations économiques extérieures témoignent de la forte intégration de l’économie allemande à l’économie mondiale et de sa capacité d’adaptation à la nouvelle division internationale du travail. Leurs évolutions respectives expliquent largement l’ascension et la solidité du deutsche Mark.Les balances des relations économiques extérieuresLes relations économiques extérieures d’un pays trouvent leur traduction chiffrée dans un certain nombre de balances. Celles-ci sont elles-mêmes synthétisées dans la balance des paiements, dont la balance commerciale constitue une composante.Depuis 1951, la balance commerciale de l’Allemagne occidentale est toujours excédentaire, et même souvent fortement excédentaire. Depuis le milieu des années 1970, et malgré le ralentissement de la croissance économique, les excédents ne cessent, de façon générale, d’augmenter, sauf pendant la récession suivant le second choc pétrolier et depuis l’unification (tabl. 7). Les relations commerciales franco-allemandes sont marquées du sceau de la dépendance pour la France vis-à-vis de l’Allemagne. Le commerce intra-européen est d’ailleurs, dans l’ensemble, dominé par les échanges avec l’Allemagne. À l’exception de l’Espagne, l’Allemagne est le premier partenaire commercial de tous les pays d’Europe. Les soldes commerciaux varient évidemment selon les secteurs d’activité.La dépendance de l’économie ouest-allemande à l’égard des exportations est élevée, particulièrement en ce qui concerne l’industrie. En 1994, l’industrie de transformation exporte près de 30 p. 100 de son chiffre d’affaires. Parmi les branches industrielles, c’est l’industrie des biens d’investissement qui arrive en tête, puisqu’elle vend les deux cinquièmes de sa production à l’étranger.Les pays industrialisés occidentaux constituent les principaux partenaires commerciaux de la république fédérale d’Allemagne. Celle-ci réalise près de la moitié de ses échanges extérieurs avec les autres pays membres de l’Union européenne. En 1994, ses principaux clients sont la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Italie, les Pays-Bas, l’Union économique belgo-luxembourgeoise, l’Autriche et la Suisse; ses principaux fournisseurs sont la France, l’Italie, les Pays-Bas, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union économique belgo-luxembourgeoise, le Japon, l’Autriche et la Suisse. Bien que non négligeables, les échanges commerciaux avec les pays d’Europe centrale et orientale jouent un rôle relativement limité. Malgré les changements politiques intervenus dans ces pays et les réformes économiques qui y sont en cours, ils ne peuvent augmenter que lentement, à cause des réserves en moyens de paiement internationaux insuffisantes de ces pays et du poids de la dette extérieure de certains d’entre eux. En ce qui concerne les pays en développement, le choc du surendettement limite les possibilités d’extension des échanges commerciaux avec eux, sauf avec les nouveaux pays industriels de l’Asie du Sud-Est.La spécialisation industrielle de la république fédérale d’Allemagne lui procure un double avantage. Ce pays produit, donc exporte, avant tout des biens d’équipement le plus souvent de haute qualité, pour lesquels la demande internationale est importante et assez indépendante des prix pratiqués. Cela explique que les exportations aient pu augmenter malgré les réévaluations du deutsche Mark. Par ailleurs, l’Allemagne réalise plus des quatre cinquièmes de ses échanges commerciaux avec les pays industriels les plus dynamiques de l’O.C.D.E.La balance des paiements est un ensemble de comptes, où s’inscrivent les opérations réalisées par un pays avec le reste du monde pendant une année (tabl. 8).Depuis les années 1960, la balance des opérations courantes de la république fédérale d’Allemagne dégage le plus souvent de confortables excédents. Ceux-ci sont particulièrement importants lors des deux récessions de 1967 et de 1974, ainsi qu’au cours de la reprise des années 1980. Les déficits sont rares. On en enregistre en 1965, lors de la récession qui suit le second choc pétrolier et après la réalisation de l’unité. Le rôle prédominant du secteur manufacturier comme apporteur de devises constitue un trait caractéristique qui mérite d’être noté. Pays relativement peu doté en ressources naturelles, l’Allemagne est obligée de compenser ce handicap en faisant un effort particulier dans le domaine des produits industriels. En revanche, le solde de la balance des transferts est toujours fortement déficitaire, notamment à cause des transferts publics en faveur des organisations internationales et des transferts des travailleurs immigrés. L’équilibre de la balance des services est difficile à atteindre, principalement à cause du déficit croissant des opérations touristiques. L’excédent de la balance commerciale constitue donc, en partie du moins, la contrepartie structurelle de ces déséquilibres.La qualité de sa situation extérieure permet à l’économie allemande de se constituer des réserves importantes en moyens de paiement internationaux (tabl. 9). Cette économie peut ainsi notamment financer ses relations commerciales sans pratiquement avoir à recourir à des crédits étrangers à long terme.Ascension et rôle du deutsche MarkLe 20 juin 1993, le deutsche Mark a fêté son quarante-cinquième anniversaire. Il a ainsi atteint un âge tout à fait respectable, si l’on pense que le système monétaire allemand unifié est une institution relativement récente, datant d’environ cent vingt-cinq ans. La stabilité politique, le développement économique, le dynamisme des exportateurs, l’action des responsables monétaires et le consensus social en ont fait l’une des monnaies les plus fortes du monde (tabl. 10). Sa bonne tenue constitue un critère de qualité pour la république fédérale d’Allemagne. À l’étranger, le deutsche Mark est très apprécié comme monnaie de réserve et instrument de placement.Évidemment, le deutsche Mark a été exposé à des dangers divers au cours de son existence. Il n’a pu se soustraire ni aux troubles monétaires internationaux, ni aux tendances inflationnistes mondiales, qui se sont manifestés tout particulièrement pendant les années 1970 et au début des années 1980. Au cours des quarante-cinq dernières années, l’Allemagne occidentale s’est cependant relativement bien placée en ce qui concerne le maintien du pouvoir d’achat. En l’espace de très peu de temps, le deutsche Mark est devenu la monnaie européenne la plus stable.Dans le système monétaire européen (S.M.E.), institué en 1979 et qui tire ses racines du mécanisme de change existant depuis 1972, le deutsche Mark s’est mis à assumer, malgré lui, le rôle de monnaie de référence et de facteur de stabilité pour les autres monnaies du système. De 1979 à 1990, le S.M.E. fonctionne avec une asymétrie reconnue et acceptée par les pays membres de ce système. Ceux-ci choisissent délibérément de s’ancrer à la république fédérale d’Allemagne et au deutsche Mark, pour bénéficier de la crédibilité économique ouest-allemande. En échange de cela, ils acceptent en gros les contraintes nées de la politique monétaire ouest-allemande. Avec l’unification, l’Allemagne est potentiellement fragilisée à court terme (montée du chômage essentiellement à l’Est, réduction de l’excédent de la balance commerciale et déficit éventuel de la balance des opérations courantes, risques de tensions inflationnistes et d’accroissement des taux d’intérêt, etc.). À moyen et surtout à long terme, l’économie allemande devrait être consolidée et le rôle international du deutsche Mark renforcé.En ce qui concerne les pays d’Europe de l’Est, l’Allemagne unie est de loin leur premier partenaire occidental et leur principal créancier. Ces pays, dont le processus de réforme est fortement tributaire de leurs recettes à l’exportation en monnaies convertibles, peuvent tirer un grand profit en termes de croissance économique de la “locomotive” allemande. La seule condition en est que le marché allemand reste accessible et, même si possible, s’ouvre encore davantage, afin que l’augmentation des importations allemandes profite également à ces pays.Tout porte à croire que les pays d’Europe de l’Est utiliseront de plus en plus le deutsche Mark pour leur commerce extérieur. Si ces pays décidaient de rattacher leurs monnaies à une devise de référence, le deutsche Mark paraîtrait tout désigné.Dans l’ensemble, au milieu des années 1990, la situation de l’économie allemande est plutôt favorable, grâce à sa forte position dans l’économie mondiale, aux progrès de la reconstruction à l’Est, à la faiblesse de l’inflation, à l’amélioration de l’état des finances publiques, aux bons résultats des entreprises et à l’attitude responsable des syndicats de salariés. Mais l’Allemagne doit aussi trouver des solutions à de graves problèmes, comme la persistance d’un chômage important, le niveau élevé des charges salariales (qui la rend moins attrayante comme lieu d’implantation pour les entreprises) et le vieillissement de la population. La contradiction entre la puissance économique et le déclin démographique marque la nouvelle Allemagne et pèse sur son avenir. Au cours de la période nouvelle qui s’ouvre dans son histoire économique et sociale, l’Allemagne bénéficiera, à travers les politiques communes, de la solidarité européenne.
Encyclopédie Universelle. 2012.